Par Marcelo Morales C.
Le propos de ce documentaire – le premier de Francina Carbonell et qui a connu un grand parcours en festival – est doublement risquée, ainsi que difficile. Le film, doit d’abord relever le défi de dépeindre le terrible incendie de la prison de San Miguel (Santiago du Chili) en 2010, provoqué par une bagarre entre détenus, qui a finalement entraîné la mort de 81 d’entre eux, principalement en raison des actions négligentes de la gendarmerie.
Comment, face à un événement aussi horrible, peut-on éviter la partie facile, éviter de faire de l’effet pour faire de l’effet et, ce faisant, de porter atteinte à la dignité des victimes et de leurs familles, sans, par ailleurs, ne pas rendre compte de cette horreur ? Autant de questions que la télévision ne se pose manifestement jamais, d’ailleurs. Dans ce cas, à la résolution de ce premier défi répond le second : utiliser les archives judiciaires (audiovisuelles et écrites) comme base pour une représentation de cette horreur. Mais le nouveau défi consiste alors à rendre cette représentation plausible et, qui plus est, représentative de cette horreur.
Ainsi, Le ciel est rouge est une représentation basée sur des représentations, utilisant principalement les enregistrements audiovisuels de l’enquête sur l’événement fatal, menée par la police d’investigation. Nous voyons ici les gendarmes qui n’ont pas agi rapidement cette nuit-là et qui restent silencieux en réponse aux questions les plus directes, telles que : Avez-vous vu les flammes ? Pourquoi avez-vous bloqué les caméras de sécurité et n’avez-vous pas enregistré l’incendie ? Parmi d’autres. Il y a également des scènes où des pompiers mettent le feu à des lits et voient la capacité de combustion afin de comprendre comment le feu s’est propagé si rapidement. Il existe également des enregistrements audio montrant la lenteur d’action des personnes qui ont appelé les pompiers, puis l’assistance médicale, où, par exemple, à un moment donné, on entend une personne de l’hôpital Barros Luco ne prenant pas du tout au sérieux l’appel à l’aide, ou plutôt le rejetant comme venant de la prison.
Mais Carbonell ne structure pas ces dossiers à côté des documents judiciaires, où les témoignages des bagnards survivants et des parents des morts sont lus dans la seule intention de les mettre en lumière. Il les réunit avec la claire intention de créer une représentation possible de cette horreur, que le cinéma a du mal à retranscrire de manière fiable à l’écran. Conscient de cela, il assemble les images, les ralentit, cherche certains détails et s’arrête sur d’autres pendant de longues secondes ; il installe également des sons enveloppants et installe parfois des silences brisants. Il y a, en somme, une conscience claire du cinématographique (celle de croire aux images, de chercher à construire de nouvelles significations), qui maintient le film toujours actif, motivant la réflexion, remuant le regard.
Il configure ainsi une histoire où l’horreur émerge progressivement au milieu de cette accumulation, où s’assemble peu à peu ce que l’on ne voit pas directement, mais que tous ces matériaux créent : un véritable enfer. Et ce qualificatif n’est pas seulement établi par la figure du feu, mais aussi parce qu’on voit ici le pire de certaines consciences : le désir du pire pour ceux qui ne semblent plus avoir droit à rien, sans aucun pardon, d’autant plus s’ils sont pauvres.
En ce sens, le documentaire est intense, inévitablement violent et extrêmement douloureux, nous rappelant des événements horribles qui ne peuvent plus être balayés sous le tapis ou hors de la mémoire. Carbonell, avec de très bonnes armes, nous rappelle qu’au moins il y a le cinéma comme partie de cette lutte.