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FRANÇAIS

Entretien avec Mariano Llinás, co-scénariste d’Argentine, 1985

Par Facundo Fernández Barrio

Pour Mariano Llinás, un homme venu du cinéma indépendant, tout cela est quelque chose de nouveau et un peu effrayant. Argentine, 1985, le film sur le procès des juntes militaires qu’il a coécrit avec le réalisateur Santiago Mitre, n’est pas seulement une super production impliquant des acteurs de premier plan comme Ricardo Darín et des producteurs de premier plan comme Axel Kuschevatzky, mais a également pour prémisse quelque chose qui aurait pu aboutir à un saut périlleux : raconter à un large public l’un des épisodes réels les plus choquants de l’histoire de l’Argentine.

Llinás est un cinéaste enclin au risque – son dernier film, La flor, dure 14 heures – mais cette fois, l’enjeu autre : se consacrer à un film correct, pédagogique, édifiant et rien de plus. Trouver le juste équilibre entre les concessions demandées par l’industrie et sa propre vision d’un fait sur lequel tout le monde as un avis. Il a accepté les propositions et, sans s’en écarter, a travaillé pour que le film contienne ces choses qui l’ont toujours intéressé : le comique même dans les situations les plus sombres, la complexité contradictoire de l’âme humaine, la capacité du cinéma à nous faire voir, comme Llinás dit que Godard a dit, “des choses qu’autrement nous ne pourrions pas voir”.

Mariano Llinás

Au moment d’écrire le film, étiez-vous inquiet de ce que les “experts” avaient à dire sur le procès de la junte militaire ?

Ce film présente plusieurs caractéristiques qui le distinguent. Il travaille sur un événement historique récent, sur lequel beaucoup de gens pensent avoir des connaissances préalables. De nombreuses personnes impliquées sont encore en vie. Et ce n’est pas un film de “niche”, c’est un film qui a la prétention de plaire au plus grand nombre, une grosse production, et qui doit donc se conformer à certaines normes du cinéma commercial. Il ne peut pas durer quatre heures, comme les films que j’aurais pu faire. Nous avons donc dû tenir compte de tout cela et en même temps, surtout, conserver une certaine liberté, car sinon le résultat pourrait être totalement moyen. Santiago Mitre et moi sommes très conscients des discussions autour du procès, mais on n’oublie pas que c’est du cinéma, nous offrons un objet cinématographique. Que les discussions naissent depuis le cinéma, et non en dehors de celui-ci. C’est un combat fort car le cinéma a tendance à être dévalorisé, souvent par les “experts”. Je pense qu’un film comme celui-ci ne devrait pas débattre avec des documents académiques ou des opinions politiques, mais offrir une troisième chose. Cela ne signifie pas du tout la dépolitiser, mais plutôt assumer le lieu d’où la discussion a lieu.

Le fait qu’il s’agisse d’un film sur des événements historiques réels est très proche de la tradition cinématographique à laquelle vous dites appartenir, le fantastique argentin ?

Il s’est passé quelque chose de très intéressant avec ça. Lorsque Santiago est venu me proposer de faire le film, j’ai immédiatement voulu l’emmener dans le fantastique argentin, et nous avons en quelque sorte adhéré à cette idée. Nous avons commencé à réfléchir sur ce terrain où nous nous sentions plus à l’aise. Mais Axel Kuschevatzky est alors intervenu de manière très claire, très catégorique : “Non, ce doit être un film sur le procès des juntes et rien d’autre. Faites un film clair sur cet épisode historique et arrêtez de jouer avec des rebondissements inutiles”. Je passe ma vie à dire du mal des producteurs, mais je dois admettre que c’était là une bonne intervention d’un bon producteur. Au début, c’était difficile pour moi, parce que ce qu’il demandait était un film de ce qu’on pourrait appeler “cinéma national”, ce qui pour moi a toujours été quelque chose de très étranger. Mais à un moment donné, j’ai senti qu’il avait raison. À partir de là, le défi était de faire un film de cinéma national qui, en même temps, fonctionnait pour nous, dans lequel nous étions libres. Et je pense que nous avons commencé à le ressentir lorsque nous avons vu que le film pouvait également fonctionner à partir de la notion de comédie, sans perdre le volume politique, mais au contraire, en le gagnant grâce à la possibilité acide de montrer certaines choses. Pour nous, cela a été très libérateur.

Libération et nouveauté, car l’humour n’est pas une clé très utilisée pour des thèmes comme ceux que le film aborde.

Pour nous, ce fut une surprise de retrouver les protagonistes du procès avec des anecdotes qui étaient des scènes de comédie. Nous n’avons pas donné le ton : il est venu des récits des protagonistes sur la façon dont ils avaient vécu le procès. C’est compréhensible : à l’exception de (Julio César) Strassera et (Luis) Moreno Ocampo, l’équipe d’accusation avait une moyenne d’âge de 25 ans ou moins. Et en même temps, l’humour était une nécessité : la densité de ce qu’ils faisaient, travailler avec des gens qui venaient de subir la torture et la captivité clandestine, était telle qu’il n’y avait pas d’autre moyen de s’en sortir qu’une certaine libération par la comédie. J’ai beaucoup de respect pour cela, et je pense que nous avons été fidèles à cet esprit. Je dirais même que nous avons réduit la dose d’humour au minimum. Si nous avions filmé tout ce qu’on nous a dit sur Strassera (le procureur), nous aurions fait un film des Marx Brothers.

Par exemple ?

Par exemple, le fils de Strassera nous a raconté qu’une fois, alors qu’ils étaient au milieu des menaces anonymes et du harcèlement que toute l’équipe recevait, son père l’a emmené dans un magasin de jouets pour acheter des fusils à appât, puis ils ont tiré sur le bureau du procureur. Nous l’avons gardé dans le film jusqu’à la dernière minute, mais à la fin nous l’avons retiré, c’était très difficile de montrer quelque chose comme ça.

Les procureurs écoutent un témoin. “Ce film n’est pas une célébration de héros individuels”, souligne Llinás.

Vous dites toujours que vous ne voyez pas vos films en salle avec le public parce que vous en avez la phobie, mais cette fois vous l’avez fait au Festival du film de Venise. Qu’avez-vous ressenti là-bas ?

C’était la première fois que je voyais dans une grande salle une œuvre à laquelle j’avais participé. Je n’avais pas encore vu le film, et ce fut une expérience extrêmement émouvante et bouleversante. On avait l’impression que quelque chose du procès était en train de se reproduire. Les gens applaudissaient les blagues d’une manière presque cathartique. La grande majorité était italienne. Ce n’est pas un fait mineur que deux semaines plus tard, Giorgia Meloni a remporté les élections en Italie. Je suppose qu’une partie de la catharsis avant le film avait à voir avec ce contexte. Et puis quelque chose de fort s’est produit, une tristesse, une sorte de silence mystique, avec les scènes de témoignages des victimes. C’est là que l’on voit la capacité du cinéma à faire ressurgir des choses du passé. Dans le film, ma femme (l’actrice Laura Paredes) joue le rôle d’Adriana Calvo de Laborde. La façon dont les gens l’ont approchée après la projection pour la féliciter, pour la remercier, cela a bien sûr à voir avec les motivations de l’acteur, mais nous étions tous deux d’accord pour dire qu’il y avait quelque chose qui allait au-delà, qu’ils ne célébraient pas seulement une performance. Les propres filles d’Adriana lui ont dit ça. On finit par incarner des choses un peu fantasmagoriques.

Qu’avez-vous trouvé lorsque vous avez vu les enregistrements des audiences du procès ?

Il a été révélateur pour nous de découvrir que le procès était presque comme un film. La façon dont le procès a été conçu avait une volonté de convaincre, de générer une émotion chez un public, et pour cela ses protagonistes ont développé des stratégies profondément cinématographiques. L’équipe de l’accusation était absolument consciente qu’elle devait produire une situation théâtrale qui cimenterait l’objectif central du procès : faire évoluer une vision ancrée dans la société, qui avant le procès croyait aux “erreurs et aux excès”, pour aller vers la notion de plan systématique. Et la façon dont cela a été fait était très cinématographique. À un moment donné, Strassera a compris que le sort de l’accusation dépendait de l’impact scénique : il devait faire un bon discours. Il s’agit donc d’un film sur quelque chose qui, à un moment donné, a été conçu comme un film. Puis il y a eu des choses que nous avons adaptées pour renforcer cet effet. Par exemple, dans les enregistrements des audiences, on ne voit pas les visages des témoins, qui ont été filmés de dos. Dans le film, une décision difficile a été prise de montrer les visages. Cette idée peut être critiquable ou non, mais en général, la mise en scène a été conçue pour la ramener en force.

A propos de ce que vous avez adapté, pourquoi avez-vous décidé de rendre les juges du film plus âgés que les vrais ?

Les juges étaient très jeunes, je pense que (Leon) Arslanian n’avait même pas 40 ans. Si on les avait montrés comme ça, le film aurait ressemblé à Jugate conmigo (émission de variétés destinée aux adolescents). Nous avons dû les vieillir, les montrer comme ils sont maintenant, pour les rendre plus crédibles. Dans la fiction, vous devez faire face à ce genre de choses tout le temps. Mais quelque chose d’intéressant se produit. Le témoignage d’Adriana Calvo, par exemple : il a également été pensé de manière très cinématographique, elle était très éloquente, elle était clairement consciente qu’elle devait convaincre un pays entier. Lorsqu’il a été question de savoir si l’actrice devait ou non imiter le ton d’Adriana, Santiago lui a dit : “Non. Parlez d’une émotion authentique”. De même que (Ricardo) Darín, qui n’imite pas non plus le ton de Strassera dans la plaidoirie. Cependant, quand on voit la scène d’Adriana, même en sachant qu’il n’y avait aucune intention d’imitation, on reconnaît le ton du témoignage original. C’est comme si les deux dimensions étaient mélangées : même si vous voulez aller à l’encontre, le ton s’impose naturellement. C’est une chose très étrange.

Les témoignages originaux des victimes ont-ils été transcrits mot à mot dans le script ?

Oui, complètement. Pas un mot n’a été changé. Ce sont des témoignages très riches sur le plan littéraire. Je voudrais que le film donne à ces témoignages originaux une place dans la mémoire argentine. Lorsque nous avons écouté le témoignage d’Adriana Calvo, avec un tel niveau de force, de vérité et de crudité, nous avons pensé : comment se peut-il que cela ne fasse pas partie de la mémoire argentine ? Nous avons d’autres choses, d’autres images : on se souvient d’Alfonsín sur la place pendant la Semaine Sainte, ou quand on lui criait dessus à La Rural, ou des situations pendant la dictature, Galtieri avec les Malouines ou Videla niant les disparus. Mais pas le témoignage d’Adriana Calvo, que tout Argentin devrait connaître. Non seulement pour ce qu’elle raconte, mais aussi pour la façon dont elle le raconte. Si le film sert à faire connaître davantage ces épisodes du procès, il aura été pour moi une grande conséquence.

À l’exception de Strassera et Moreno Ocampo, l’âge moyen de l’équipe des procureurs était de 25 ans ou moins.

Et si le film lui-même comblait cette lacune ? Il ne serait pas déraisonnable de l’envisager, par exemple, comme matériel pédagogique pour les écoles.

Ce serait très étrange pour moi. Personnellement, tout cela me paraît très étrange. Quelque chose de très nouveau, que je ne renie pas : la question de savoir comment aborder la société dans un large spectre. Pour les personnes qui viennent d’autres territoires comme le cinéma indépendant, c’est très nouveau. L’art d’affronter…

Les masses ?

Eh bien, le mot me fait rougir, mais oui. Dans ce sens, bien sûr, il y a un manque de précision, des résignations, des choses que l’on sent plus complexes. C’est un art que l’on essaie pour la première et peut-être la seule fois. C’est très intéressant, et c’est un peu effrayant.

Certains critiques seront tentés de le qualifier de “film nécessaire”.

Il serait difficile de trouver quelqu’un qui ne l’appelle pas ainsi, ha !

Vous croyez à cette étiquette ?

Je ne veux pas faire de l’esbroufe, mais l’idée de “nécessaire” est radicalement opposée à la façon dont j’ai toujours pensé le cinéma. Je n’avais pas imaginé le film de cette façon et je suis sûr que Santiago non plus. Aucun de nous ne voulait faire un monument, et si le film est intelligent, c’est précisément à cause de cela. Les choses nécessaires ou inutiles ne viennent pas de vous mais des autres. Nous verrons si la société avait besoin de ce film ou non, je ne sais pas. Mais en aucun cas notre intention n’était de faire un grand objet national ou un grand objet pédagogique ou quoi que ce soit de ce genre. Je pourrais vous le dire : je ne pense pas qu’un film mérite l’étiquette “nécessaire”. Ou l’inverse : peut-être que tous le font. On lance un objet en ayant pleinement conscience qu’il peut fonctionner de cette manière, mais rien de plus. Quand on dit “un film nécessaire”, j’ai envie de demander : nécessaire pour quoi, pour qui ?

Une réponse possible est celle que Mitre lui-même a donnée, lorsqu’il a déclaré récemment que c’est un film intéressant pour une époque où les jeunes sont désenchantés par les valeurs de la démocratie. Le film se prête-t-il à une lecture contemporaine ?

Il ne peut avoir qu’une lecture contemporaine, car il va être lu au présent, et non pas sorti en 1985. Maintenant, je ne sais pas ce qu’est cette lecture. Si la question est de savoir si elle convaincra les personnes qui ne croient pas en la démocratie de l’utilité de celle-ci, je ne sais pas si je suis aussi optimiste. Peut-être cela suscitera-t-il des émotions à propos de la démocratie que la démocratie elle-même ne suscite pas. Ce que je ressens, et sur ce point je pense être d’accord avec Santiago, c’est qu’il y a une grande partie de la société, surtout celle qui est née au cours de ce siècle, qui n’est pas très consciente qu’à un moment donné la société argentine a été capable de quelque chose comme le Procès des juntes militaires, y compris toutes les choses discutables qu’il a eues. J’ai l’impression qu’il y a certains préjugés sur le film : il ne s’agit pas d’une déification de quoi que ce soit, et encore moins de l’Alfonsinismo, un sujet que j’ai lu récemment. Toute personne qui le voit sait immédiatement que ce n’est pas le cas.

En fait, Alfonsín apparaît à peine.

Il n’apparaît pas. On peut à peine entendre sa voix à un moment donné. Le procès de la junte militaire n’aurait pas pu exister sans la complicité de la société argentine, et je pense qu’il est important que ceux qui ne le savent pas le sachent. Non pas comme la justification d’un acte prétendument héroïque, mais d’un processus complexe dans lequel la société a été confrontée à une réalité qu’elle avait jusqu’alors délibérément choisi de ne pas voir. Je n’ai aucun doute sur le fait que ce vertige fait partie de l’histoire sociale des Argentins. Si, d’une manière ou d’une autre, le film rétablit cette prise de conscience, il aura rempli une mission importante. Pas le seul, pas “nécessaire”, mais important.

Vous avez mentionné Arslanian tout à l’heure, dont on a toujours dit qu’il était le péroniste qui avait été mis au tribunal pour que le procès ne soit pas seulement un procès de “gorilles” (anti-péronistes)….

(Interrompt.) Dis ça à Maco Somigliana et il te foutra dehors à coups de pied au cul.

Je fais référence aux juges.

En principe, l’idée que le procès n’a été fait que pour les gorilles exclut non seulement Arslanian et (Carlos) Somigliana mais aussi les victimes. Cela dit, il me semble important que le procès ait été mené par des “gorilles”. Moi-même, qui suis un gorille, comme c’est public et notoire, je considère que c’est une leçon pour la société d’aujourd’hui. Pendant longtemps, les gens ont dit : “Bon, mais le procès a été mené par des gens qui n’avaient rien fait pendant la dictature”, et ainsi de suite. Aujourd’hui, je considère cela comme une vertu. Il y a là quelque chose d’un apprentissage social extrême : le fait que les gorilles aient pu se regarder en face de cette manière, revoir une conduite qui avait plus ou moins tacitement approuvé certaines choses, et qu’ils aient pu dire “Plus jamais ça”, donne une immense valeur au procès. L’idée d’une société qui a remis en question ses actions récentes me remplit de fierté. Je ne sais pas si c’est quelque chose qui a été répété à nouveau.

Est-ce que c’est ce qui est suggéré lorsque, dans le film, quelqu’un dit à Strassera quelque chose comme “eh bien, mais des gens comme vous n’ont rien fait pendant la dictature” ?

Je ne veux pas expliquer une ligne de dialogue, mais je pense qu’elle a un effet : éviter la confusion et faire comprendre que ce film n’est pas une célébration de héros individuels, mais fonctionne sur la base que tout processus social intéressant est soutenu par des contradictions, parfois flagrantes. Il y a aujourd’hui un type de pensée, qui a beaucoup à voir avec les réseaux sociaux, les annulations, qui se spécialise dans la dénonciation des contradictions. Je viens d’une autre époque et je me consacre à autre chose, et je crois que les contradictions sont une bonne chose, pas une mauvaise chose. Le comportement est fait de contradictions et c’est à partir d’elles que l’on progresse. Le fait que Strassera ait passé la dictature dans une sorte de limbes, sans déposer d’habeas corpus, loin de diminuer sa valeur en tant que procureur dans le procès, la renforce pour moi. Je trouve cette histoire plus intéressante que celle d’un type non contaminé. Aujourd’hui, il semble y avoir un appétit pour les personnages sans tache. Je crois davantage à la complexité des personnes et des événements historiques.

En 1985, vous aviez neuf ou dix ans. Avez-vous des souvenirs personnels du procès ?

Aujourd’hui, j’y pensais justement et deux images me sont venues à l’esprit. D’abord, une qui devait être en 1983. Je viens d’une famille très Alfonsiniste et la transition vers la démocratie a été un moment très épiphanique chez moi. Mais je me souviens d’un moment où les peintures murales avec les silhouettes des disparus sont apparues, et j’ai demandé à ma mère : “Qu’est-ce que c’est ? Et elle ne m’a pas répondu. L’image suivante est avec mon vieux père, qui était assez naïf politiquement. J’ai écrit un jour qu’il faisait partie de ces personnes qui semblaient apprécier tous les présidents pendant les premiers mois de leur mandat. Je me souviens qu’il était dans la voiture avec lui et qu’il écoutait la radio. Il m’a dit : “Écoute ça, tu ne l’oublieras jamais de ta vie”. C’était la lecture de la sentence au procès. Entre ces deux moments, entre ma mère qui me disait “rien, rien” devant les silhouettes des disparus et mon père qui me faisait écouter la radio, il y a eu un changement de société. Et je pense que ce changement est ce que représente le film : une société qui est passée de la peur à l’allumage de la radio pour écouter les sentences.

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