Par Auteur
Eva semble prise au piège dans des limbes où son père a hérité de son goût pour l’art et la liberté, mais aussi de la violence, tout cela en l’éloignant jour après jour de sa mère, qui n’est pas son modèle. Comment avez-vous travaillé sur le personnage du père ? L’avez-vous basé sur une expérience personnelle ?
Pour tous les personnages, je me suis beaucoup inspiré de personnes que je connais. Bien que le film ne soit pas vraiment autobiographique, il y a des choses de mon propre père, ou de mes oncles, dans le personnage de Martin. Je viens d’une famille d’artistes dans laquelle il y a des gens formidables qui ont en même temps un côté très violent. J’ai voulu représenter ce paradoxe : comment une personne aussi attachée à la vie peut-elle être traversée par des pulsions aussi néfastes ? Comment parler de la violence à partir de cette complexité, sans rester à la surface de l’idéalisation ou de la condamnation ? Je crois que les héritages sont toujours à la fois une bénédiction et une condamnation. Et les pulsions de vie et les pulsions de mort sont également liées. Ce n’est pas une fatalité à laquelle on ne peut échapper, mais il y a ceux qui ont besoin d’aller dans l’obscurité pour mieux sentir la lumière. Et je sens que Martin est un tel personnage, et Eva est fascinée par cette contradiction. Mais elle finit par cesser d’être fascinante lorsqu’elle comprend qu’elle génère de la souffrance.
Comment une personne aussi attachée à la vie peut-elle être animée de pulsions aussi néfastes ? Comment parler de la violence à partir de cette complexité, sans rester à la surface de l’idéalisation ou de la condamnation ?
On pourrait dire que J’ai des rêves électriques parle d’une adolescente et de sa relation avec les adultes, mais la vérité est qu’ils se comportent tous comme des adolescents, pourquoi pensez-vous que c’est le cas ?
L’adolescence est souvent dépeinte comme ce lieu fragile et instable qui précède la maturité. Il y a parfois quelque chose de très linéaire dans le genre du passage à l’âge adulte, qui, selon moi, ne ressemble pas à la vie. Je pense que les adolescents nous mettent mal à l’aise parce qu’ils savent quelque chose sur nous, les adultes, leur regard nous déshabille et nous dérange. Ils osent remettre en question le fonctionnement du monde, ils veulent accéder à des vérités absolues. Ils ont des aspirations que nous, adultes, avons déjà abandonnées, et ils nous les rappellent. Et devant eux, nous, adultes, ressentons le poids des promesses que nous nous sommes faites autrefois et que nous n’avons pas tenues.
Je crois que les adolescents nous mettent mal à l’aise parce qu’ils savent quelque chose sur nous, les adultes, leur regard nous déshabille et nous dérange.
La violence dans les familles est toujours un sujet intéressant, comment vous êtes-vous préparé à écrire le scénario du point de vue psychologique ?
J’ai vraiment essayé de ne pas entrer dans des considérations psychologiques très précises. Pour le spectateur, il serait peut-être plus confortable de pouvoir comprendre d’où vient la violence de Martin, mais j’ai préféré penser à la violence comme à quelque chose qui est là, et dont nous sommes témoins comme dans la vie réelle, sans comprendre d’où elle vient, sans être prêt à l’affronter.
Avec les acteurs, j’ai travaillé sur la façon dont elle se manifeste au niveau physique, comment elle peut éclater d’une seconde à l’autre, dans une escalade imprévisible, comment elle donne un sentiment de superpuissance, d’adrénaline addictive. Mais comment cela épuise aussi un corps après l’avoir traversé. Comment elle laisse vides à la fois ceux qui l’ont subie et ceux qui l’ont exercée.
Je me suis également intéressé à la manière dont la violence dans les familles est parfois un langage, tout comme l’affection. Elle s’apprend dans l’intimité, c’est ce qui est familier, ce que l’on connaît. Et c’est pourquoi il est si difficile d’en parler, de le séparer de qui vous êtes. J’ai préféré écrire à partir de là parce que la psychologie donne une distance confortable, ce sur quoi on ne peut pas toujours compter dans la vie.
Travaillez-vous sur d’autres projets ?
Oui, je pense que je suis en train d’écrire quelque chose sur la relation avec la mère, mais ça pourrait changer. Je ne sais pas où les personnages vont m’emmener cette fois-ci. Je vais les laisser me guider.