Edit Content

FRANÇAIS

Le Kinolatino Film Festival est de retour cette semaine après une première édition en 2023

Par C. Rodríguez

Si l’ouverture officielle de ce festival dédié au cinéma d’Amérique Latine à Bruxelles se fera le 12 avril au Cinéma Palace avec le long-métrage chilien de Felipe Gálvez Los Colonos, une première projection se déroulera la veille. En effet, dès le 11 avril, au Centre Culturel de St-Gilles Le Jacques Franck, le public aura la possibilité de découvrir, comme un avant-goût des dix prochains jours, la première partie des courts-métrages en compétition. Et ce qu’offre cette première salve n’a rien à envier au reste de la sélection.

Sept courts, cinq pays, quatre fictions, trois animations : un résumé de ce qui attend le.la spectateur.rice dans ce programme riche en surprises, en révélations et surtout, en sensations.

C’est ce dernier terme qui prime à la vision de ces différents films, qui font preuve d’un pouvoir d’évocation d’une grande force. Nous ne sommes pas dans une surenchère explicative, les dialogues se font rares voire totalement absents et nous sommes avant tout invité.es à voyager dans ces différents univers.

Le film chilien qui ouvrira cette sélection, AliEN0089 de Valeria Hofmann, aborde une problématique définitivement contemporaine en évoquant le harcèlement en ligne. Son approche n’a pourtant rien de classique à travers une mise en scène à la fois déstabilisante et d’une grande clarté. Elle embrasse l’esthétisme des jeux en ligne et des réseaux sociaux à travers un point de vue essentiellement à la première personne tout en démultipliant les écrans. La démarche est d’une grande audace et se démarque rapidement en nous impliquant directement dans un film semblant en temps réel. Une entrée en matière d’une grande efficacité.

Le contraste avec le court costa-ricain Luz Nocturna est frappant. Une jeune femme s’occupe de sa petite sœur et de son petit frère dans une zone rurale. Malgré un sujet difficile que nous comprenons rapidement, la mise en scène sensorielle de Kim Torres est d’une grande douceur. Tout est question de sensation et il faut saluer le travail effectué sur le son qui nous enveloppe dès les premières secondes. Le contraste entre un réalisme brut et la sentiment d’être à la lisière du fantastique pendant ces quelques minutes est frappant.

Alors que les dialogues étaient rares, les trois films d’animation présentés en sont totalement dénués, à travers des styles d’une grande diversité. Le brésilien O Cacto de Ricardo Kump détonne par une animation peu commune. Nous y suivons un homme qui se retrouve paralysé au sol après un accident. Un cadre unique qui sera le théâtre d’une succession d’évènements inattendus flirtant rapidement avec l’horreur. Tout au long de ce film (très) court, il est impossible de deviner ce qui nous attend. Un sentiment que nous pouvons partager avec l’argentin Carne de Dios de Patricio Plaza, se déroulant au Mexique à l’époque coloniale. Un prêtre espagnol tombant malade devra avoir recours à certaines méthodes, qu’il souhaitait éradiquer, pour se soigner. Ce postulat ne dévoile en aucun cas le « voyage » qui suivra. Cette guérison peu commune nous emmène dans des territoires étranges, horrifiques et psychédéliques. Chaque nouvelle séquence, alors que nous progressons dans l’horreur, révèle de nouvelles surprises. Le.la spectateur.rice n’est, à aucun moment, brossé.e dans le sens du poil, et il est évident que le film de Plaza en marquera plus d’un.

Le contraste est alors une nouvelle fois saisissant avec le film d’animation belgo- colombien The Leak de Paola Cubillos, le plus court de la sélection, où une fuite d’eau dans un appartement permet à une personne de réactiver certains souvenirs refoulés. Nouveau film de sensation, cette fois-ci réalisé en stop-motion, le travail sur la bande son est d’une grande précision (l’eau nous accompagne tout du long) et le voyage surprend et émeut en une poignée de minutes.

Nous pouvons alors retourner à la fiction avec El fin justifica los miedos, autre film argentin de la sélection, qui détonne. Le dispositif de mise en scène de Marcos Montes de Oca intrigue. Une voix-off omniprésente, la sensation de voir un documentaire se profiler, une intrigue semblant improbable (« dans une ville de province, un groupe d’adolescentes s’inscrit pour être ramasseuses de balles dans un tournoi du Grand Chelem »). Puis le programme se déroule avec confiance, n’hésitant pas à mélanger les genres permettant de continuer à nous déstabiliser. Une réelle surprise, une nouvelle fois très contemporain dans ses thématiques tout en offrant des images et séquences mémorables, avec un grand soin porté à la photographie.

De cette façon, le film colombien d’Esteban Pedraza, Bogotá Story, peut sembler se démarquer en étant le plus dialogué de la sélection. Il partage pourtant, avec les autres courts, un travail d’une grande importance sur le son, permettant de contextualiser son histoire dans le Bogotá de 1992 tout en laissant son intrigue se dérouler entre ses deux personnages.

L’environnement est là, sans insistance, tandis qu’un dilemme se joue. La narration est d’une grande efficacité et clarté.

Cette première sélection remplit alors toutes ses promesses en révélant certains noms et en offrant un premier panorama d’un cinéma latino-américain qui ne cesse de se renouveler : ambitieux, original, d’une grande sensibilité et explorant différentes thématiques à travers tous les genres possibles.

La seconde partie de la compétition pour les courts-métrages se déroulera le 20 avril au Cinéma Galeries.

Articles similaires

Retour en haut